C'est la question à laquelle j'ai dû répondre la plupart du temps depuis que j'ai eu l'idée de démarrer notre périple au Maroc. "Mais pourquoi le Maroc ??"
Je reprends la question que l'auteur se posait à elle-même dans mon précèdent article, sans en trouver tout de suite la réponse: "Que cherches-tu ici ?".
Et c'est aussi ce que je me suis bien souvent demandé.
Au départ, let's face it! (comme qui diraient les américains), je cherchais un endroit où j'allais pouvoir digérer en retrait notre départ obligé du Texas, un endroit qui devait être plutôt ensoleillé (ben tiens !), bon marché (oui parce que, faut-il le rappeller, ce n'est pas parcequ'on vit aux USA, que l'on roule sur l'or...), et intéressant du point de vue culturel (ce qui ne gâche rien).
Bien-sûr que c'est juste pour un an... Un an, c'est vite passé ! Ca, c'était la rengaine que me répétais à moi-même, sans vouloir y croire.
Bien-sûr que je vais retourner au bercail, une fois que nous aurons obtenu à nouveau le visa nécessaire pour retourner vivre aux Etats-Unis... Enfin, je l'espère... De toutes mes forces.
Oui, oui, oui... Bien-sûr... Mais en attendant. Je ne suis pas dupe.
Un an, c'est court. Et un an, c'est long.
Je suis déjà venue au Maroc: une première fois, adolescente en compagnie de ma famille, et une seconde fois, il y a moins de dix ans, toujours en famille, et toujours dans le confort douillet d'un hôtel où tout était organisé pour que chaque touriste français se sente comme un coq en pâte.
Les deux séjours étaient à Marrakech, une ville magnifique, assez occidentalisée et cosmopolite, en comparaison avec d'autres villes marocaines plus petites.
Autant dire que j'ai toujours été enchantée de mes séjours, et que j'ai gardé de ce pays un excellent souvenir.
Sans tomber néanmoins dans un amour fanatique, comme certains français qui plongent allègrement dans ce mirage oriental, ou qui décident d'y vivre (il y a quand même actuellement près de 400000 résidents français au Maroc, c'est dingue non ?). Mais assez pour préférer cette solution à un départ pour Hamburg, où mon mari est parti travailler pour un an.
Hamburg, ça me semblait triste et froid après notre cher Texas flamboyant... Le Maroc, ça me semblait quand même beaucoup plus joyeux et surtout bien plus chaud que le nord de l'Allemagne !
J'ai complètement fait abstraction du fait que le Maroc pouvait avoir changé depuis quelques années, que je ne connaissais finalement pas grand chose à leur situation délicate entre l'Orient et l'Occident, ni à leurs us et coutumes millénaires à part ce que l'on veut bien nous en dire en Europe, ni que c'est toujours en déroutante Afrique mais aussi au Maghreb, et surtout, que nous ne partions pas en vacances, mais en voyage-déménagement, ce qui n'est absolument pas la même chose...
Par ailleurs, ma décision a été largement et naturellement menée vers ce pays, car malgré des recherches qui ont duré plusieurs mois, nous n'avons pas trouvé de logement en meublé pour cinq personnes aux alentours d'Hamburg, dans des prix semblables au marché de Houston, c'est-à-dire très bas. Nous étions désespérés !
Et puis beaucoup de personnes de notre connaissance vantent les mérites fantasmés de leurs déplacements dans ce pays des Milles Et Une Nuits.
Pour ne pas sombrer vers les abîmes du désespoir, et comme il en a l'habitude, mon cerveau s'est alors contorsionné vers le positivisme à tout craint, toujours plus agréable à penser et sous la forme de cette tournure d'esprit:
pourquoi ne pas profiter de ce changement de vie non choisi pour le transformer en une expérience unique de découverte de cultures et de nouveaux horizons pour les enfants et moi-même ?
Jusque là, ça part d'un bon sentiment, non ?...
De toute manière, ça faisait partie du déni général dont j'avais délibérement entrepris de me faire subir les conséquences (et elles arrivent toujours assez tôt), depuis l'annonce que nous allions quitter tout ce pour quoi nous nous étions battu depuis plusieurs années, à savoir notre vie au Texas.
Je ne voulais pas vivre ça et je ne l'accepte toujours pas.
J'y reviendrai certainement un autre jour, au grès des autres articles du blog, mais je le redis: partir forcé d'un pays que vous ne voulez pas quitter et où vous ne vous êtes jamais senti autant en osmose, est une blessure que l'on a beaucoup de mal à comprendre, si l'on ne l'a pas connu soi-même.
Il faut alors, bonnant malant, essayer de traverser une rupture, qui n'est certes pas véritablement humaine, mais qui vous fait connaître un terrible manque, en tout point pareil.
Je savais que ça allait être un vrai déchirement, sans compter tous les ennuis d'organisation qui allaient en découdre, et je voulais retarder cette épreuve le plus longtemps possible, quitte à me trouver n'importe quelles raisons (positives ou non) pour y échapper.
La vie nous a donné un formidable cadeau, que nous avons obtenu aux prix d'efforts inimaginables, et soudain me le confisque sans aucune raison.
La fatalité et l'optimisme dont j'ai fait preuve alors, a juste suffit à faire accepter la chose à mon cerveau, mais pas à mon coeur.
Mais comme je le disais dans l'article précédent, moi aussi, j'ai réalisé très vite que "le privilège" (on va dire ça comme ça) de pouvoir partir à l'aventure pendant un an, allait vite se transformer en "cheminement" difficile.
Comme me l'a dit une des mes amies sur facebook, quand j'ai fait part de mes déboires lors des premiers jours de notre arrivé, il s'agit bien là d'un "grand écart culturel", entre le Texas et le Maroc. Et si, comme nous, on ne s'est pas bien échauffé, on risque un énorme claquage. Et on s'en relève de toute manière avec le vertige.
Le Maroc, de toute évidence, est un pays qui adore cultiver le mystère, et qui possède plusieurs tiroirs secrets, comme les petites boîtes magiques en bois de thuya que les marchands proposent dans la médina. Et il faut donc connaître les rouages de la pièce pour pouvoir l'ouvrir, et que son parfum embaume, enfin.
J'aime beaucoup de choses dans cette partie du monde, comme j'en déteste beaucoup aussi.
Et si l'on pourrait me reprocher beaucoup dans la préparation psychologique de ce voyage, on ne pourra pas dire que je ne suis pas honnête dans ma vision que je vais essayer d'étayer à travers ce blog.
Nous avons choisi de faire escale au Maroc, en premier lieu pour des raisons matérielles et bien concrètes, ensuite pour des raisons de découvertes sans a priori, et de compréhension dans la manière de vivre et dans la culture.
Mon séjour devait durer 1 an, et il ne va durer que deux mois et demi... Mais tout de même une éternité au regard des sentiments mélangés qui m'habitent actuellement.
Nos sens d'occidentaux sont mis à rude épreuve, et quand on veut aller plus loin que celui du simple regard des touristes passagers et inconscients, on ne peut être que bouleversé.
Le Maroc vous prend dans ses tripes, et ce n'est pas toujours beau à voir.
Mais je pense aussi que lorsque j'aurai mis de l'ordre dans mes idées, cette expérience va se révéler beaucoup plus bénéfique qu'elle n'en a l'air. Pour tout le monde d'ailleurs, même pour les filles, pour qui l'épreuve est très dure à avaler aussi !
Evidemment, on se rend toujours compte de ce genre de choses qu'après coup, quand on est sorti du tumulte.
En attendant, je vais essayer de décrire le mieux possible, les étapes de ce dur cheminement et sur cette route, les petits bonheurs qui l'ont aussi émaillé.
Florence Coffyn-Hagneré